Correa: "J'ai changé"
Dans cette première partie de l'interview, Pablo Correa revient sur ces longs mois passés à observer des clubs comme Naples ou l’Atlético Madrid.
Entre votre départ d’Evian et votre retour à l’ASNL, vous êtes resté treize mois sans club. Comment les avez-vous mis à profit ?
Dans un premier temps, j’ai profité de ne plus être dans la compétition pour me reposer et voir les choses d’un autre point de vue. Ensuite, je suis allé voir ce qui se faisait de bien ailleurs. D’abord à Naples parce que c’est une équipe qui me plaisait, avec un entraîneur qui proposait quelque chose de différent et dans un championnat italien en train de muter d’un football terriblement tactique à un jeu plus ouvert et spectaculaire. J’ai assisté à plusieurs de leurs matchs, car ils jouaient avec trois défenseurs centraux. J’étais curieux de voir comment ils allaient s’organiser face à des équipes soi-disant plus fortes comme l’Inter ou Juventus. J’ai finalement vu une équipe avec une personnalité énorme. Ils jouaient de la même façon contre Catane ou le Milan AC.
C’est une idée que l’on retrouve dans votre nouveau discours…
C’était déjà un peu le cas avant, mais cela s’est en effet accentué. Je me suis rendu compte qu’il y a toujours une adaptation par rapport à l’adversaire, mais que le résultat doit avant tout passer par nous. On doit se donner les moyens de toujours mieux faire les choses que l’adversaire.
Malgré l’exemple napolitain, dès votre prise de fonction, vous avez déclaré vouloir trouver une solidité défensive à quatre…
Évoluer avec cinq défenseurs demande une maturité énorme et je n’avais pas le temps de travailler cela. Ce qui m’a interpelé à Naples, c’est qu’avec trois défenseurs centraux, c’était une équipe assez offensive et qui marquait beaucoup. Ils s’appuyaient toutefois sur des joueurs comme Hamsik, Lavezzi ou Cavani. Mais, je suis persuadé que c’est adaptable ici. Si j’ai dit que l’on devait trouver la solution à quatre, c’était pour donner des repères au niveau du discours. Le plus important dans n’importe quel système, c’est de convaincre que cela va donner des résultats.
Vous avez aussi profité de votre liberté pour enchainer plusieurs longs séjours à Madrid…
Quand on est en poste et que l’on voyage, les entraînements auxquels on peut assister ne correspondent pas forcément à ce que l’on a envie de voir, surtout pour les équipes qui jouent la Ligue des Champions. Alors que là, j’ai pu suivre l’Atlético semaine après semaine, voir comment réagit l’équipe par rapport au match précédent. J’étais un simple observateur parmi les supporters et cela me convenait très bien. Ce qui m’a marqué, c’est l’intensité avec laquelle les joueurs s’entraînaient. Ce n’était ensuite pas anodin de les voir obtenir des résultats en compétition. Leurs succès étaient nés à l’entraînement.
Est-ce que cette intensité peut être importée dans un club comme l’ASNL ?
Je le pense. On n’importera pas la technique, mais on peut reproduire les exercices qui sont adaptés à mon groupe. Ça prendra juste peut-être un peu plus de temps pour que les joueurs assimilent bien toutes les données. Ce n’est pas un hasard si j’ai insisté sur cette notion d’intensité lors de mon arrivée. Une bonne partie de nos résultats en dépendent.
Est-ce que cette période d’observation a changé votre regard sur votre métier ?
Énormément. Quand, tranquillement assis sur mon canapé, je regardais les visages des entraîneurs en place, je me voyais à travers eux et n’avais pas envie de renvoyer la même image que certains. On se voit vieillir très vite. C’est pour cela que vous paraissez plus serein aujourd’hui ? Oui, car il faut accepter que même si l’on fait son travail très consciencieusement, le football reste un jeu avec une grande partie aléatoire. On ne me verra pas pour autant rigoler après une défaite, ça c’est sûr et ça n’a pas changé (rires)…