Wenger, le pied dans l’ascenseur
C’est à l’AS Nancy-Lorraine, entre 1984 et 1987, qu’un jeune entraîneur nommé Arsène Wenger a entamé sa carrière professionnelle. Le public de Marcel-Picot ne saurait avoir oublié la silhouette blonde de ce personnage tiré à quatre épingles.
Ce 22 octobre 2018, mine de rien, Arsène Wenger a fêté son soixante-dixième anniversaire. Lui qui n’a vécu que pour le football, lequel lui a bien renvoyé l’ascenseur en lui réservant les meilleurs palmarès européens, peut contempler l’étendue de sa réussite sur tous les champs de bataille continentaux. Il va, flamberge au vent, à la manière des grands généraux d’Empire. Arsène Wenger est de la trempe des meilleurs entraîneurs de la planète.
Il était parfaitement inconnu, à 38 ans, lorsqu’il fut appelé à s’éloigner des bords de la Méditerranée où il faisait équipe avec un technicien de grand style comme Jean-Marc Guillou, auprès de jeunes joueurs en formation, pour succéder à Hervé Collot. « Qui est ce Wenger ? », se demanda-t-on avec circonspection parmi les supporteurs nancéiens, en apprenant la nomination de ce garçon inexpérimenté à la tête de l’effectif de l’ASNL.
Très vite, Arsène Wenger, qu’on avait vu faire une très brève apparition en tant que joueur, en coupe d’Europe, dans la défense strasbourgeoise, fit connaître son sens de la rigueur. « Il a été le détonateur de ma vocation d’entraîneur », assure aujourd’hui Albert Cartier. Qui, parmi les pros de l’époque, prétendra qu’il n’a pas été impressionné par la personnalité et le sérieux d’Arsène ?
Si vous les croisez, questionnez donc Casini, Umpierrez, Zahoui, Picot, Martini, Gava, Martin, Gabriel, Germain, Di Meco, Matrisciano, Zitelli et autre Arribart lequel fut le seul à tutoyer l’entraîneur alsacien avec qui il avait partagé les joies de la sélection nationale universitaire. Ils vous diront qui était Arsène Wenger.
Aldo Platini parlait beaucoup football avec ce féru de tactique de jeu et de… diététique, qui voyait trois matches par week-end et en tirait toute la quintessence en vue de son travail quotidien auprès des professionnels nancéiens qu’il ne réussit toutefois jamais, trois saisons durant, à hisser au-dessus de la dixième place. Sa dernière année à la barre de l’ASNL fut même ponctuée d’une amère relégation en Division 2.
En dépit du désir du président André Gauthrot de lui maintenir la direction de l’équipe, Arsène tourna les talons et s’en alla quérir un spectaculaire titre national à Monaco. Comme quoi, un entraîneur n’est jamais totalement responsable de l’échec de ses joueurs ni dépositaire des clés de leur succès. « Ce sont les joueurs qui font le résultat », a toujours martelé Michel Platini.
« Il faut rester maître de ses émotions »
« Je me souviens, ajoute Albert Cartier, que Wenger disait qu’un joueur, comme un entraîneur, devait rester maître de ses émotions, et n’être jamais euphorique dans la victoire, ni accablé de détresse dans la défaite. J'ai retenu ces mots dont je partageais la sagesse. »
Le panache qu’il affiche depuis le début du siècle à Arsenal, précédé d’un rapide crochet par le Japon, est de ceux qui laissent admiratif. Arsenal champion, Arsenal qualifié, les épithètes ne manquent pas pour saluer le parcours de l’Alsacien le plus connu de Londres et de Grande-Bretagne ! Robert Pirès et Thierry Henry figurent parmi les fleurons qu’Arsenal a accrochés à sa poitrine gonflée d’orgueil et d’âpreté britanniques.
À 70 ans, Arsène Wenger, dont le nom a de temps en temps été cité parmi les sélectionneurs français possibles, est quelqu’un qui marche fièrement sur les boulevards de la constance et de la félicité. Un grand monsieur tiré à quatre épingles.