Julien Féret: Un homme tranquille
Recalé du centre de formation de Rennes à vingt ans, Julien Féret s’est souvent écarté du chemin balisé qui mène jusqu’en Ligue 1. Son parcours atypique montre qu’il faut parfois savoir prendre son temps.
« Contre Valenciennes, j’ai réussi une talonnade en pleine course pour Youssouf Hadji. S’il marque sur cette action, tout le monde s’extasie. Pourtant, quelques matchs plus tôt, je me suis fait siffler pour une talonnade ratée à Picot. L’échec fait pourtant partie de l’apprentissage. La transversale à une touche de balle pour Jonathan Brison (NDLR : qui a amené le penalty contre Lyon) aurait pu finir derrière le but. Je devais la tenter. J’aime jouer vers l’avant, prendre des risques et me sentir libre d’oser des gestes difficiles, quitte à avoir plus de déchets dans mon jeu. »
Julien Féret est un créateur, un joueur capable de surprendre l’adversaire par un contrôle et d’accélérer le jeu d’une simple déviation. S’il en est aujourd’hui capable techniquement en Ligue 1, c’est peut-être en partie grâce au mur de la maison familiale à Langueux. Cadet de cinq ans de son frère Nicolas, il se retrouvait souvent seul avec son ballon. « Je faisais des tennis ballon contre le mur, se souvient-il. Je m’amusais tout en travaillant ma technique. Je pense que cela m’a aidé par la suite, même si j’avais peut-être un peu plus d’aptitudes que les autres. »
L'échec rennais
Repéré par le club voisin de St-Brieuc, Julien attend trois ans avant de prendre la décision de quitter ses copains. Il prendra encore son temps au moment de rejoindre une équipe professionnelle. « Guingamp voulait me recruter au centre de formation, mais, avec mes parents, notre priorité était que j’obtienne le baccalauréat. Je suis donc resté à St-Brieuc, où l’on évoluait tout de même au niveau national, jusqu’à l’âge de 18 ans. » Football rime encore avec plaisir. Cela va changer dès son arrivée au stade Rennais. Il s’installe dans un appartement de la capitale bretonne et passe de deux à neuf entraînements par semaine. Le bouleversement est difficile à digérer. Julien s’accroche sur le terrain, mais ne parvient pas à s’acclimater à cette nouvelle vie. « J’en avais marre et voulais rentrer chez moi. Il m’a fallu six mois pour me mettre en route. C’est compliqué d’arriver dans une structure pro aussi tard. Tu apprends moins vite dans un club amateur. » Ceci explique peut-être son échec. Il s’avoue en tout cas toujours un peu déçu de ne pas avoir réussi à rester plus longtemps dans son club de cœur.
Libre de tout contrat, il est contacté par des clubs de petites divisions près de chez lui. Ils lui proposent un emploi en échange d’une licence. Ses rêves de devenir pro se sont alors presque évanouis. « Ce n’était plus une priorité. » Puis, Cherbourg le contacte. Il signe dans ce club de National et grimpe finalement d’une division. C’est peut-être sa dernière chance d’atteindre le haut niveau. Il va l’a saisir. « J’avais 20 ans et évoluais aux côtés de joueurs d’expérience. C’était aussi l’équipe première de la ville et cela donnait beaucoup plus d’importance aux résultats. Ensuite, j’ai côtoyé un coach qui a réussi à me rendre performant. Patrice Garande avait un discours différent. »
Une montée en puissance
Cherbourg se transforme vite en tremplin. Niort lui offre son premier contrat professionnel. Pas de chance, malgré sa bonne saison, les Chamois terminent dans les bas-fonds du classement de Ligue 2. Les dirigeants acceptent de faire une croix sur sa dernière année de contrat pour lui permettre de poursuivre sa progression ailleurs. Il prend la direction de Reims, un club bien installé qui vise le haut de tableau. « Ils voulaient monter une belle équipe sur plusieurs années, mais n’ont pas réussi à stabiliser l’effectif » constate-t-il. Avec son compère Cédric Fauré, il devient rapidement un pion essentiel du club champenois. Les médias nationaux découvrent ce longiligne numéro dix presque à l’ancienne. « Il faut aujourd’hui davantage défendre, insiste-t-il. Il existe encore quelques vrais meneurs de jeu, comme Yoann Gourcuff à Bordeaux, mais c’est de plus en plus rare. »
Auteur de neuf buts en 2005/2006, il séduit Nancy et Strasbourg, mais reste finalement au stade de Reims où il va vivre une dernière saison très difficile. « J’aurais vraiment préféré partir un an plus tôt et laisser une meilleure impression » regrette-t-il encore aujourd’hui. C’est donc à 26 ans que la Ligue 1 lui a enfin ouvert ses portes. Fidèle à son habitude, il y est entré sur la pointe des pieds. « Je voulais faire ma place tranquillement. Pour cela, je devais me mettre à niveau, m’intégrer au groupe tout en apportant ma touche personnelle. Je n’aime pas me presser. Je préfère laisser faire les choses. Durant mes premiers mois, j’ai appris tous les rudiments. Il me reste encore quelques trucs à découvrir, mais je pense être acclimaté à la L1 aujourd’hui. Je dois juste continuer à progresser et continuer à toujours regarder vers le haut… »